Jean et Lucette Alingrin ont fondé l’oeuvre «Emmanuel-SOS-Adoption» pour l’adoption d’enfants trisomiques. Vous pouvez visiter le site de l’oeuvre à cette adresse : http://www.emmanuel-sos-adoption.fr Des familles viennent les voir pour leur confier l’enfant qui vient de naître; d’autres viennent pour adopter. Leur maison est en pleine forêt, dans le département du Maine-et-Loire, près de Beaugé. Je connais Jean et Lucette depuis les années 1975, et j’ai voulu les interviewer sur leur expérience de treize mois avec la Congégation Saint Jean (sept. 1986 à oct. 1987), où ils avaient accueilli cinq Frères dans le Prieuré qu’ils venaient de faire construire. Je n’avais pas, à l’époque, suivi cet épisode, trop pris par le ministère de curé de la paroisse de Noyen-Malicorne. Ils ont accepté que je puisse mettre en ligne leur témoignage (oct. 2013). D.A
Ayant le souci de nous faire aider ici dans l’œuvre SOS-Emmanuel-Adoption, et notamment auprès des tous petits, avec trois ou quatre nouveau-nés dans la maison, des biberons à donner, de jour et nuit etc. nous avons pensé qu’une présence religieuse était la solution.
Nous en avons parlé à notre Évêque Monseigneur Orchampt, qui nous a donné son accord de principe : puisque nous étions décidés à construire quelque chose il fallait construire. Le prieuré étant construit, restait à trouver la Communauté. Des gens bien intentionnés, très proche de Marie-Dominique Philippe, nous ont dit : nous avons ce qu’il faut, et ils nous ont envoyé la Congrégation Saint-Jean, qui était déjà soucieuse de créer un prieuré dans l’Ouest, ce qui n’était pas arrivé jusque-là.
Ils nous ont envoyé en éclaireur un premier frère, pour passer une journée avec nous, nous parler de la Com munauté, découvrir Montjoie, un garçon bien, très équilibrés, tailleurs de pierres. il a été détaché de Cotignac pour venir ici avec quatre autres, dont l’un à l’avance avait été nommé prieur et dans le nom était ...
Seul le fr... était venu voir ; les autres ne sont jamais venus, même se rendre compte à l’avance de quoi il s’agis sait. Ils arrivent donc à cinq dans une Clio : le prieur, un autre prêtre, et trois autre frères. Le prieur met pied à terre, entre la chapelle et les petites croix du cimetière, regarde le prieuré tout neuf à peine terminé, regarde la chapelle, regarde le cimetière, et dit : «Oh la la, pour nous ici, ce sera la sainteté ou la fuite ». Prophétique !
Lucette avait mis un géranium dans chacune des six cellules pour se faire pardonner que tout ne soit pas terminé : les rideaux n’étaient pas accrochés etc. Le lendemain on a retrouvé les six géraniums dehors, parce que ce n’était pas compatible avec la vie religieuse. À notre insu, ils se sont renseignés sur qui devaient fournir les doubles rideaux des cellules, parce que n’ayant pas prévu de volets, le soleil tôt le matin les empêchait de dormir. Et donc ils sont allés commander chez le tapissier des doublures anti lumière coûtant 1000 Fr. le mètre carré, et nous nous avons découvert la facture après.
Le lendemain nous rentrons dans la chapelle… Il y avait la statue de la Vierge, Notre-Dame de l’Emmanuel à droite, et en symétrie à gauche Notre-Dame de Fatima, toutes fardée, avec des pierreries, du rouge à lèvres… d’ailleurs nos enfants ont beaucoup aimé! Mais le prieur nous dit : « Votre évqêue, le père Orchampt, il l’a dans l’os, parce qu’il nous a refusé de traverser le diocèse avec Notre-Dame de Fatima, mais là il l’a, dans son diocèse !» J’ai dit vous m’enlevez ça tout de suite, ce n’est pas acceptable, ce n’est pas ça Montjoie! Mauvais début…
Dans la chapelle, il y a un grand tapis par terre pour que nous puissions prier avec les petits plus facilement ; ils avaient installé des tabourets devant l’autel et nous nous sommes retrouvés derrière un mur gris! On leur a dit : «Nous on s’en fiche, Mais ce sont les petits, eux ils sont les premiers, ça n’est pas possible!»
Ils ne sont jamais venus nous demander ce que nous attendions d’eux. Ce sont eux qui disaient : «Pourquoi sommes-nous ici ? Mais il faut savoir, parce que si nous sommes contemplatifs, nous pouvons faire ci et pas ça; mais si nous sommes apostoliques, nous pourrons faire ci et pas ça». Et pendant un an ils n’ont rien fait parce qu’ils se sont toujours posé la question. Ils arrivaient pour se poser la question à 9h30 le matin, et nous, nous étions avec nos bébés en train de leur donner le biberon, et ils nous parlaient pendant une heure et demie... Et qui plus est, ça posait des problèmes canoniques, si bien qu’il se promenaient avec le Code de Droit Cano nique sous le bras ! Disant entre autres : « Jamais une femme entre l’autel et le tabernacle ! »
Là où les difficultés ont commencé, c’est que nous, nous attendions qu’ils fassent quelque chose, et nous voyions bien qu’il ne faisaient rien, sinon nous dire : «Vous comprenez, on est mal à l’aise, c’est trop confor table, c’est trop neuf !» Je leur ai dit : «Ici la sainteté, c’est à la carte !» Comme c’est moi qui commandais le chauffage je leur ai dit : « Je peux vous couper le chauffage, si vous voulez!» Treize mois comme cela, à jet continu. Nous, on se disait : «on va tomber cinglés!»